Des hauteurs de la Provence s'envolent pensées et créations d'aujourd'hui

jeudi 23 mai 2019

Amitié à Jean-Jacques Boitard

Cette année 2019 est l'année de quatre-vingts ans de Jean-Jacques Boitard. Je saisis l'occasion pour rendre hommage au chanteur-poète qui fut un compagnon de la première heure des Cahiers de Garlaban et avec qui fut envisagé un fructueux dialogue entre poésie et chanson, un thème que nous avons déjà évoqué dans ce blog.
C'est par Jean Bercy que notre groupe dont il faisait partie et composé par ailleurs de Claude Cauqui, Denis Constans, Charles Thomas, Eric Tremellat et moi-même fut mis en contact en 1983 avec Jean-Jacques Boitard. Nous organisions une soirée de poésie dans le village de Lascours, au pied du Garlaban, et souhaitions entrecouper nos lectures de chansons. L'expérience fut concluante et Jean-Jacques Boitard fit désormais partie de notre programmation chaque fois que nous nous produisions face à un public.

Jean-Jacques Boitard à Lascours en novembre 1987

La collaboration avec le chanteur ne s'arrêta pas là. En 1985 pour le centenaire de la mort du grand poète marseillais Victor Gelu, Jean-Jacques mis en musique quelques uns de ses poèmes et nous aida dans la réalisation d'une cassette audio qui lui était dédiée. Sur cette lancée, il mit en musique nos propres textes et produisit un disque puis une cassette intitulée Jean-Jacques Boitard chante les Cahiers de Garlaban. On peut aujourd'hui l'écouter sur le site de l'artiste.
La mort de Jean Bercy en 1986 fut une épreuve pour le groupe. Charles Thomas devait le rejoindre en 2008 et Claude Cauqui en 2017. Les chansons de Jean-Jacques nous rappellent aujourd'hui avec plus d'intensité encore les heureux moments que nous avons passés tous ensemble grâce à la poésie et dans l'amitié.
La poésie, la fantaisie, l'humanité encore possible dans ce monde, Jean-Jacques Boitard n'a cessé et ne cesse de les célébrer dans une recherche exigeante où paroles et musiques continuent  d'exercer sur nous leurs pouvoirs bienfaiteurs.


Complément :

samedi 20 avril 2019

Le souvenir d'André Salmon

Le 12 mars dernier, voilà cinquante ans que disparaissait le poète André Salmon. Pour lui rendre hommage, je vais évoquer trois personnes qui me l'ont rendu proche.


La première d'entre elles est Jean Bouhier, le fondateur de L’École de Rochefort. Il aimait à rappeler qu'André Salmon fut un des premiers à soutenir son initiative par un poème adressé pour le nouvel an 1942 qu'il avait écrit spécialement pour lui et René Guy Cadou. J'ai pu mesurer des années après que ce soutien n'était pas de circonstances. Il y avait véritablement des valeurs communes, à la fois humaines et esthétiques, à André Salmon et ses amis (qui s'appelaient Guillaume Apollinaire et Max Jacob) et les poètes de Rochefort.
Jean Bouhier s'était retiré en 1973 à Six-Fours-les-plages, commune limitrophe de Sanary-sur-mer où habita André Salmon à la fin de sa vie. C'est là qu'après sa mort, il rencontra son épouse Léo dans sa villa "La Hune" située boulevard Kisling, du nom du peintre de L’École de Paris qui avait été un ami d'André. Jean Bouhier participera aux travaux de rédaction de la revue Créer pour rendre hommage à André Salmon.

De gauche à droite : Pierre Bernard, du journal "L’œuvre", Max Jacob, Géo London, André Salmon, à Quimper, sur les quais de l'Odet, lors du procès Seznec

La deuxième personne qui m'a parlé d'André Salmon est Geneviève Latour qui nous a quittés au mois de février dernier. Elle avait connu André Salmon du temps où elle dirigeait la fondation Paul Ricard sur l'île de Bendor que l'on pouvait apercevoir depuis sa villa "La Hune". André Salmon lui avait donné un miroir dans lequel Guillaume Apollinaire s'était regardé, miroir qu'elle avait par la suite installé dans son domicile parisien où je l'avais rencontrée et dans lequel je m'étais à mon tour regardé comme tous les invités de cette femme si généreuse et accueillante.



La troisième personne à m'avoir parlé d'André Salmon est la critique et historienne de l'art new-yorkaise Beth Gersh-Nešić. Notre ferveur commune pour le poète nous a permis d'engager une conversation transatlantique au cours de laquelle de nombreuses fois André Salmon a été mis à l'honneur. Spécialiste du Cubisme, Beth a rappelé par exemple son amitié avec Picasso pour lequel il trouva le titre de son fameux tableau : Les Demoiselles d'Avignon. A l'instar de la "bande à Picasso" composée du peintre, de Max Jacob, de Guillaume Apollinaire et d'André Salmon, Beth fait aujourd'hui partie de la "bande à Salmon". En effet avec l'universitaire française Jacqueline Gojard et italienne Marilena Pronesti, elle travaille à entretenir le souvenir du poète qui reste encore à découvrir ou à redécouvrir.

Compléments:
- Le site officiel consacré au poète.
- Le blog de la "bande à Salmon".
- André Salmon parlant de son ami Apollinaire.

vendredi 8 mars 2019

Passage du poète - II


Il y a quelques années, nous avons consacré une chronique de ce blog au livre de Charles-Ferdinand Ramuz Passage du poète. Nous allons aujourd'hui actualiser ce thème avec Brigitte Maillard. Comme dans le livre de Ramuz, elle va nous faire part de son expérience pour donner à son action et ses rencontres, une dimension poétique.

Brigitte, nous avons déjà eu l'occasion de parler de votre présence poétique sur les marchés de Bretagne. L'an dernier nous avons rendu compte du dossier consacré à la poésie que vous avez réalisé pour la revue Reflets. Nous n'oublions pas non plus votre propre écriture à travers notamment votre livre À l'éveil du jour que nous avions également présenté. Mais c'est d'une autre initiative que vous avez prise dont il s'agit maintenant..

Oui Jean-Luc et merci de m'accueillir à nouveau sur votre blog. Les circonstances m'ont entraînée sur un nouveau chemin d'action poétique.  Depuis 3 ans, je participe à l'élaboration d'un salon du livre doublé d'un concours de textes poétiques. Cet événement s'est bâti pas à pas, en collaboration étroite avec l'association Salon Bigouden du Livre et la municipalité de Pont-l'Abbé, capitale du Pays Bigouden. Une aventure intense, ancrée sur un territoire qui, au travers du concours particulièrement, me met face à mon engagement en poésie. L'action est neuve sur le territoire. Elle met en jeu des forces que je n'imaginais pas.

Quelles sont ces forces que vous ne soupçonniez pas ?

Quand un territoire s'éveille à la poésie, c'est un surgissement.  Ces concours, permettent  l'éclosion de nouveaux talents et la découverte est riche ! Scolaires, anciens, jeunes adultes  se rencontrent autour d'un thème commun, en lien avec Le Salon annuel Bigouden du Livre. Le thème de cette année : " Des racines et des arbres ". Les textes poétiques affluent, et nous découvrons la diversité des écritures.


Votre concours lui a permis de s'inscrire dans les mots.

Cette diversité est si nécessaire aujourd'hui ! Garante du respect de nos différences et de l'acceptation "de ce qui constitue l'autre comme autre".
La poésie est une langue vivante, originale que chacun peut révéler. Mais son développement est difficile, elle peine à se faire reconnaître. La poésie me fait souvent penser aux langues disparues.
Selon L'Unesco 45 % des langues ont disparu entre le temps de la colonisation et le 20 ème siècle... Alors quand elle émerge avec cette force, c'est bouleversant. Les uns, les autres ont tant à  exprimer, ressentir, célébrer.

J'imagine que votre concours est l'occasion d'un événement particulier.

La remise des prix, quelques mois plus tard, permet à chacun de dire son poème et de découvrir, souvent en famille, la poésie tout simplement. Ce jeu de miroirs se prolonge au travers de l'édition d'un livre qui accueille les poèmes primés et une sélection des poèmes reçus. Plus tard, ce seront les poèmes primés que les promeneurs découvriront au fil de leur déambulation, auprès de la rivière de Pont-l'Abbé.

Photographie de Roland Chatain

Toutes ces initiatives me semblent particulièrement valorisantes.

Ainsi se tissent depuis trois ans, dans la ville de Pont-l'Abbé et ses environs, "un trésor poétique". Les témoignages que je reçois me permettent de dire que cette action stimule la découverte de cet ensemble : poésie, poème et poète.  Et c'est primordial. La poésie, du fait de sa méconnaissance,  souffre beaucoup de l'entre-soi créé par les poètes eux-mêmes. Là, la Poésie revient à elle ! Se découvre face à tous ces nouveaux visages.

Photographie de Brigitte Maillard

Oui, la poésie sort toujours gagnante lorsque elle est dans une démarche d'ouverture. Mais cette ouverture n'est-elle pas inscrite dans son ADN, pour reprendre une expression dans l'air du temps ?

Elle est ouverture. A tel point qu'elle se fond dans le paysage (sourires). Plus sérieusement, sa présence nous élève. Il y a quelque chose de mystérieux en nous que l'état de poésie nous permet d'approcher. L'instant est précieux, la respiration aussi. Le poète ne ramène-t-il pas l'homme à la vie ? Au fond, écrire des poèmes n'est-ce pas aller contre la nature même du monde ? Découvrir cette frontière entre "Pays rêvé, Pays réel" titre d'une œuvre du poète Édouard Glissant ?

Cette frontière que l'on franchit en empruntant le "passage du poète". Merci Brigitte !

Complément : 
- Le recueil des poèmes primés sur le site Monde en poésie.