Ce livre vient ponctuer une préoccupation ancienne souvent présente dans ce blog. Il en reprend d'ailleurs quelques pages. En voici l'argument :
Comment faire vivre la poésie ? Comment lui assurer une présence dans une société qui n'en fait pas grand cas. À ces questions que tout poète et tout amoureux de la poésie se pose, l'auteur a souhaité, en y associant les contributions de Monique Marta, Michel Bernier, Brigitte Maillard, Roselyne Camelio et Beth Gersh-Nešić, apporter sa propre réponse. Celle-ci voudrait à la fois être inscrite dans le moment présent et le dépasser, afin de rester en accord avec ce qui taraude depuis toujours le cœur du poète.
Michel Capmal qui est un ami de ce blog, nous en livre ici un premier écho écrit en juin dernier :
Complément :
-Pour se procurer le livre.
Faire
vivre la poésie
Ces
quelques lignes ne sont pas un compte-rendu de lecture du livre
récemment paru de Jean-Luc Pouliquen intitulé Faire
vivre la poésie
- et dont le contenu est tout à fait appréciable par la sincérité
de son questionnement et la qualité des contributions - mais d’abord
l’expression qu’un tel titre, avec toute sa force impérative,
peut inspirer à lui seul.
A
la veille d’un énième Marché de la Poésie, place Saint-Sulpice
à Paris, (où l’on devrait déployer la banderole souhaitée par
Brigitte Maillard pour les marchés bretons : « N’abandonnez
pas la poésie aux poètes… ») pour faire
vivre la poésie,
c’est le mot incarnation
qui paraît s’imposer. Répétons-le, il ne s’agit pas de
« consommer » ou de « produire » des poèmes,
pas plus que de vivre « de » la poésie ni même « pour »
la poésie mais véritablement, et en quelque sorte, « par »
la poésie. Une langue inconnue, probablement. « Le poème
comme lieu de délivrance et non celui d’une contrainte. »
Mais, tout en préservant son « âme d’enfant », c’est
une voie périlleuse qui s’impose et correspondrait à « la
voie sèche » des alchimistes. On devient à soi-même son
propre athanor. Le travail s’effectue au plus profond et à fleur
de vie. Un choix de vie dont les inévitables aléas ont valeur
d’enseignement. C’est ainsi que la poésie, dont le sens ne sera
jamais épuisé, est l’évidence même. L’évidence d’être
relié et de participer à la relation. Dans un rapport sensible et
profond à l’inachèvement fécond d’une quête de vérité
« dans une âme et un corps » (Rimbaud). Et l’on
s’accorde avec l’apparent paradoxe de cette maxime : « Ce
n’est pas le temps qui passe, c’est nous qui passons dans le
temps. »
En
l’époque présente, où la vie assistée par ordinateur et
l’acculturation technocratique ont presque aboli la vie « privée »
et menace la « vie intérieure » de disparition, il est
devenu de première nécessité pour la vraie poésie de s’incarner
au cœur du désenchantement du monde, de sa dématérialisation
programmée (la victoire du matérialisme le plus vulgaire) et de son
agitation incessante et insensée. Il est opportunément rappelé
page 72 le Donc
c’est non
de Henri Michaux. Un refus exemplaire de reconnaissance sociale
« officialisée » par l’Université et l’Édition. Et
n’y aurait-il pas, un peu partout en ce monde « mondialisé »,
nombre de résistantes et résistants se tenant par-delà le
ressentiment et la frustration dans un rapport solaire entre l’humain
et le non-humain. Présentes et présents à eux-mêmes sans orgueil
inutile ni fausse humilité. Dans la justesse du langage rendu à son
magnétisme cosmique. Incarnation de l’unité de l’être, unité
jamais acquise de manière définitive mais parfois survenant ici et
maintenant, dans le plus haut registre de l’expression de
l’aventure humaine, la poésie. L’infini, en nous-mêmes.
L’infini et son incarnation. La multitude des singularités
habitant le monde. Le monde redevenu réel. Ce qui est en jeu, tel un
Grand Jeu, c’est l’élaboration
d’une poétique.
Tout en vivant existentiellement au jour le jour. Et aussi parfois
« matériellement », cela peut arriver
On
sera bien sûr d’accord avec Jean-Luc Pouliquen évoquant, au cours
de son échange avec Beth Gersh-Nešić, « la poésie au niveau
viscéral… » Et affirmant : « …C’est lui
(l’artiste) qui est le mieux placé pour savoir ce qui lui est le
plus favorable ou au contraire préjudiciable. Car c’est dans la
liberté et l’indépendance que se forge les œuvres les plus
durables. »
Etant
donné l’état du monde, actuellement à
la limite,
on peut souhaiter une fertile convergence entre, par exemple, le
fervent humanisme de L’École de Rochefort et la grande voix
« impersonnelle » de Saint-John-Perse ; laissant au
parking subventionné l’égotisme étriqué et poétiquement
conforme de quelques poètes contemporains. Et pour en finir avec
tout jugement moralisateur, la voix d’Antonin Artaud reviendra
aussi vers nous. Ensuite par ricochet, celle du « mauvais
garçon » François Villon. Mais sans oublier « les
exopoètes » qui ont d’autres pratiques que l’écriture de
poèmes, selon Georges Amar qui a longtemps fréquenté Kenneth
White, toujours vivant. Ni perdre de vue le bel ordinaire du
quotidien qui, dans
le fond,
n’est en rien incompatible avec l’exception, l’excellence,
l’impossible.
Ces
quelques lignes sont à rapprocher des textes hébergés dans ce même blog, notamment L'écart, l'éclair et de ma contribution au numéro de la revue
Vocatif, animée par Monique Marta et en partie consacré au poète
dans la cité : Un fugueur dans la cité-vortex.
Michel
Capmal
Complément :
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