Au cours de la dernière édition des Voix Vives de Sète, en
juillet dernier, j'ai fait la connaissance de la poétesse Müesser
Yeniay. Cette rencontre a été pour moi une manière de prolonger ce que
j'avais vécu à Istanbul au mois de juin et dont j'ai déjà rendu compte
dans ce blog. Müesser Yeniay incarne en effet la nouvelle poésie turque
et je suis heureux de pouvoir l'inscrire aujourd'hui à la suite des
poètes que j'ai déjà présentés.
Müesser
Yeniay est née le 5 septembre 1984 à İzmir (Smyrne). Elle a étudié à l'Université d'Ege, est diplômé en langue et littérature anglaise. Elle a déjà reçu plusieurs prix de poésie dont le Prix Attila İlhan en 2007 ainsi que le Prix Ali Rıza Ertan en 2009.
Son premier recueil est paru en 2009. Son deuxième livre, J'ai construit ma maison sur les montagnes, publié en 2010, rassemble ses traductions de poèmes choisis à travers le monde. Sa dernière parution, en 2011, s'intitule J'ai redessiné le ciel.
Müesser Yeniay a traduit le poète persan Behruz Kia, avec le titre Requiem pour les tulipes. Elle-même a été traduite en français, anglais, arabe, hébreu, italien, espagnol, bosniaque et serbe. Elle a par ailleurs participé à plusieurs festivals internationaux de poésie en Bosnie-Herzégovine, Israël, Serbie, États-Unis et Inde.
Enfin, elle s'occupe de la revue de poésie Şiirden tout en continuant ses études supérieures dans le domaine de la littérature turque à l'Université de Bilkent. Elle est membre du Pen-Club ainsi que de l'Union des Écrivains de Turquie.
Voici quelques uns de ses poèmes traduits par Claire Lajus :
Étrangère surtout à moi-même
Je vis avec en moi un étranger
au moindre saut il tomberait presque de moi
Je l’observe de ma nuque
de mes cheveux ses cheveux de mes mains ses mains
les racines de mes mains sont sous terre
je suis au-dessus de moi-même une terre souffrante
combien de fois
j'ai laissé sous la pierre mon esprit opprimé
je dors pour qu'il se repose
je me réveille pour qu'il s'en aille
- que dois-je apprendre du sommeil-
je vis avec en moi un étranger
au moindre saut il tomberait presque de moi
A présent ne me parlez pas des hommes
Je souffre tant que
je réveille les pierres souterraines
ma féminité
ma tirelire que l’on remplit de pierres un nid à vers, à pics verts
descendant sur son corps, tanière pour les renards,
de nouvelles graines sont parsemées sur mes bras
on recherche l’homme de sa vie, c’est un sérieux problème
ma féminité est mon hors d’œuvre
et mon aine la maison d’une absence le monde s’arrête là
bravo à toi qui t’y jette parmi ses déchets
en arrivant raconte-lui la chair se détachant de l’ongle vécu avec la science de l’arrachement
raconte-lui cette maladie sans pitié
dans vos regards sa chair a froid comme un agneau tondu
moi je ne vous suis pas redevable de l’utérus de votre mère, mon cher ma féminité, un continent usurpé
je ne suis pas non plus un champs à semer… creusez en mon corps cet organe que je n’ai pas si j’avais pu le faire glisser tel la mue d’un serpent vers le crime de ne pas être mère
ce que l’on divise n’est pas la patrie mais le corps des femmes à présent ne me parlez pas des hommes
Deuil originel
Être femme
signifierait avoir été envahi, mère
ils m’ont tout pris
une femme mon enfance un homme ma féminité
que dieu ne crée pas la femme dieu ignore l’enfantement
voilà les côtes de tous les hommes ont été cassées
notre nuque est plus fine qu’un cheveu
les hommes comme à un enterrement nous portent sur leurs épaules
nous avons été soumises
nous nous sommes envolées légères comme une plume d’un univers à un néant
même mes paroles sont la trace de leurs pas, mère.
Complément :
- L'auteure sur le site de son éditeur.
Son premier recueil est paru en 2009. Son deuxième livre, J'ai construit ma maison sur les montagnes, publié en 2010, rassemble ses traductions de poèmes choisis à travers le monde. Sa dernière parution, en 2011, s'intitule J'ai redessiné le ciel.
Müesser Yeniay a traduit le poète persan Behruz Kia, avec le titre Requiem pour les tulipes. Elle-même a été traduite en français, anglais, arabe, hébreu, italien, espagnol, bosniaque et serbe. Elle a par ailleurs participé à plusieurs festivals internationaux de poésie en Bosnie-Herzégovine, Israël, Serbie, États-Unis et Inde.
Enfin, elle s'occupe de la revue de poésie Şiirden tout en continuant ses études supérieures dans le domaine de la littérature turque à l'Université de Bilkent. Elle est membre du Pen-Club ainsi que de l'Union des Écrivains de Turquie.
Voici quelques uns de ses poèmes traduits par Claire Lajus :
Étrangère surtout à moi-même
Je vis avec en moi un étranger
au moindre saut il tomberait presque de moi
Je l’observe de ma nuque
de mes cheveux ses cheveux de mes mains ses mains
les racines de mes mains sont sous terre
je suis au-dessus de moi-même une terre souffrante
combien de fois
j'ai laissé sous la pierre mon esprit opprimé
je dors pour qu'il se repose
je me réveille pour qu'il s'en aille
- que dois-je apprendre du sommeil-
je vis avec en moi un étranger
au moindre saut il tomberait presque de moi
A présent ne me parlez pas des hommes
Je souffre tant que
je réveille les pierres souterraines
ma féminité
ma tirelire que l’on remplit de pierres un nid à vers, à pics verts
descendant sur son corps, tanière pour les renards,
de nouvelles graines sont parsemées sur mes bras
on recherche l’homme de sa vie, c’est un sérieux problème
ma féminité est mon hors d’œuvre
et mon aine la maison d’une absence le monde s’arrête là
bravo à toi qui t’y jette parmi ses déchets
en arrivant raconte-lui la chair se détachant de l’ongle vécu avec la science de l’arrachement
raconte-lui cette maladie sans pitié
dans vos regards sa chair a froid comme un agneau tondu
moi je ne vous suis pas redevable de l’utérus de votre mère, mon cher ma féminité, un continent usurpé
je ne suis pas non plus un champs à semer… creusez en mon corps cet organe que je n’ai pas si j’avais pu le faire glisser tel la mue d’un serpent vers le crime de ne pas être mère
ce que l’on divise n’est pas la patrie mais le corps des femmes à présent ne me parlez pas des hommes
Deuil originel
Être femme
signifierait avoir été envahi, mère
ils m’ont tout pris
une femme mon enfance un homme ma féminité
que dieu ne crée pas la femme dieu ignore l’enfantement
voilà les côtes de tous les hommes ont été cassées
notre nuque est plus fine qu’un cheveu
les hommes comme à un enterrement nous portent sur leurs épaules
nous avons été soumises
nous nous sommes envolées légères comme une plume d’un univers à un néant
même mes paroles sont la trace de leurs pas, mère.
Complément :
- L'auteure sur le site de son éditeur.
Merci Jean-Luc pour cette belle découverte.
RépondreSupprimerBernard